Haïti est plongé un peu plus dans la tourmente après l’assassinat du président Jovenel Moïse ce 7 juillet. Un « très mauvais signal » pour la démocratie et l’avenir du pays, estime le politologue haïtien Eric Sauray. Les réactions sont nombreuses et chargées d’inquiétude.
« C’est une très mauvaise nouvelle pour Haïti et pour tous ceux qui se battent en Haïti pour un état de droit, pour la démocratie. » Quelques heures après l’annonce de la mort du président haïtien Jovenel Moïse, tué à son domicile dans la nuit du mardi 6 au mercredi 7 juillet, le politologue Eric Sauray ne cache pas son inquiétude. « Même si c’est un chef d’État contesté, c’est quand même un chef d’État qui a été assassiné dans des circonstances obscures », souligne-t-il. « C’est un très mauvais signal pour ceux qui espèrent un avenir meilleur pour Haïti. »
On est tristes, on se sent impuissants et surtout on aimerait comprendre.
« Ce qui est difficile dans ce contexte de meurtre, c’est que tout le monde se sent en insécurité en Haïti », reconnaît le chanteur et musicien haïtien Amos Coulanges qui dit craindre « une mini guerre civile » dans son pays. « C’est un baril de poudre qui va sauter, mais on ne sait pas à quel moment. »
Amos Coulanges : « Haïti est un baril de poudre prêt à exploser »
Pour l’heure, le gouvernement d’Haïti n’a donné que quelques informations à travers un communiqué publié par le Premier ministre sortant Charles Joseph, dans lequel il est expliqué qu’un « groupe d’individus non identifiés, dont certains parlaient en espagnol » a attaqué la résidence du président dans la nuit. Un manque d’informations que déplore l’historien haïtien : « Un assassinat qui se produit avec cette facilité-là nous semble curieux et inacceptable pour un État, si Haïti peut maintenant continuer à être traité comme un État… »
Conflit de succession
Eric Sauray évoque ainsi la possibilité d’un « coup d’État », d’autant que cet assassinat se produit dans un contexte transitoire en Haïti suite à la nomination par arrêté présidentiel d’un nouveau Premier ministre, Ariel Henry, le 5 juillet. « On risque d’avoir un conflit de succession par rapport à la nécessité d’assurer la continuité de l’État », analyse l’historien, qui estime qu’il faudra attendre de voir « qui assumera les responsabilités de cet acte très grave » pour en voir les éventuelles conséquences sur le pouvoir.
Eric Sauray : « Cela ressemble à ce qu’on pourrait qualifier de coup d’Etat »
« À qui profite le crime ? », s’interroge, amer, Amos Coulanges, qui estime que l’assassinat de Jovenel Moïse était « prévisible » dans un État « arrogant » : « Il y a toujours de la corruption, pas d’infrastructrues, pas d’écoles, pas d’hôpitaux, pas d’eau potable… (…) Il voulait reprendre des méthodes moyen-âgeuses pour rester au pouvoir, c’est-à-dire transformer la constitution en sa faveur. Maintenant, le tuer, c’est compliqué… Cela veut dire qu’il y a d’autres dossiers cachés qu’on ne va jamais connaître. »
L’artiste espère désormais que les Haïtiens « vont se reprendre en mains », avec « un gouvernement dans les règles en suivant la Constitution ». À défaut de quoi, il le craint, il faudra l’intervention d’un pays voisin, à savoir Saint-Domingue, qui vient de fermer sa frontière terrestre avec Haïti.
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