(…), le ministre d’État dans sa réclamation assortie d’une injonction au maire à se «conformer aux textes en vigueur » sème davantage la confusion en se référant à la loi numéro 2008–006 du 11 juin 2008 portant statut des agents des collectivités territoriales, alors même qu’il ne peut pas ignorer que ce texte, après sa promulgation et sa publication au Journal officiel du 17 juin 2008, n’a jamais été appliqué au Togo puisque le conseil des ministres n’a pas pris, à ce jour, le texte d’application y afférent.
Surpris par le contenu d’une lettre adressée par le ministre d’État, ministre de l’administration territoriale de la décentralisation et du développement des territoires à Madame le maire de la commune Ogou1, nous avons cherché à en savoir plus sur l’état du droit positif dans notre pays au sujet des questions évoquées.
Contrairement à ce que distillait l’opinion comme quoi, qu’il s’agit de recadrage du maire par le ministre d’État, il semble que les arguments soient difficilement soutenables par les lois en vigueur.
En effet, le maire de la commune d’Ogou 1, Yawa Kouigan avait pris une décision qui licencie deux employés de la mairie. La décision remonte au 15 juillet 2021. Motif du licenciement, retard ou absences non justifiés au cours du premier semestre de l’année. Mais voilà. Contre toute attente, le ministre togolais de l’administration et des collectivités locales tape du poingt sur la table. Il a dans un communiqué, prend le contre pied de la démarche du Maire estimant qu’elle viole les textes pertinents qui régissent les cas pareils. En conséquence Payadowa Boukpessi invite le maire à rapporter sa décision.
En fouillant un peu les textes, l’on se rend compte que, il n y a aucun texte qui prévoit que le maire doive rechercher l’approbation du ministre avant de licencier un agent, sauf dans l’éventualité où il s’agit d’un fonctionnaire détaché; auquel cas, ce n’est pas le maire qui procède au licenciement. Aucun des deux agents mentionnés par la lettre du ministre d’État ne relève de la fonction publique. C’est donc à tort à tort que le ministre d’État demande à être consulté pour une approbation dans le cas d’espèce.
Plus encore le législateur, imprégné de l’esprit de la décentralisation, a expressément prévu que certains actes des autorités locales, listés à l’article 79 de la loi sur la décentralisation et les libertés locales ne sont pas soumis à l’obligation de transmission à l’autorité de tutelle, et sont exécutoires de plein droit.
Parmi ces actes figurent justement ceux pris en matière de gestion du personnel de la collectivité territoriale. Pourtant, nous avons trouvé que dans le cas concerné le maire attaqué avec même pris soin d’adresser l’ensemble des pièces des dossiers à la fois au préfet et au ministre de l’administration territoriale. Cette initiative volontaire du maire qui ne résulte pas d’une obligation légale ne peut-elle s’inscrire dans le cadre de la courtoisie républicaine ?
Au nom de cette même courtoisie républicaine n’aurait-elle pas dû recevoir des coups de fils ou une réponse par les voies habituelles à son adresse connue un jour ouvrable, au lieu des réseaux sociaux par une après-midi dominicale ?
En outre le ministre d’État dans sa réclamation assortie d’une injonction au maire à se «conformer aux textes en vigueur » sème davantage la confusion en se référant à la loi numéro 2008–006 du 11 juin 2008 portant statut des agents des collectivités territoriales, alors même qu’il ne peut pas ignorer que ce texte, après sa promulgation et sa publication au Journal officiel du 17 juin 2008, n’a jamais été appliqué au Togo puisque le conseil des ministres n’a pas pris, à ce jour, le texte d’application y afférent.
Tout comme il ne saurait ignorer que le mécanisme de la commission administrative paritaire qu’il mentionne est tout aussi inopérant pour les mêmes raisons : aucun décret en conseil des ministres n’a fixé son organisation et ses modalités de fonctionnement. Quel sens donner alors à une injonction ministérielle qui se fonde sur des textes dépourvus d’applicabilité ?
Par ailleurs, à part les fonctionnaires détachés, les agents des collectivités territoriales sont liés à leur employeur par un contrat de travail et leur le régime de cotisation est toujours logé auprès de la caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Ils relèvent donc du code du travail et des conventions collectives applicables.
À ce titre, la cessation du contrat de travail à l’initiative de l’employeur pour l’une des causes prévues par la loi est régulièrement faite par lettre, comme dans les cas cités par le ministre d’État. Il n’y a pas d’autre acte pour donner effet à un licenciement que la lettre notifiant ledit licenciement en bonne et due forme à l’intéressé.
En conclusion ces réflexions nous amènent à relever que la décentralisation est un processus complexe qui doit être abordé avec une humilité suffisante pour continuer de maîtriser progressivement ses rouages.
La seule position de ministre d’État ne fait pas l’expertise en la matière, et les départements de tutelle seraient bien inspirés de se rapprocher des acteurs de terrain élus afin d’enrichir le parcours par un rapprochement des idées et des points de vue.