Notre compatriote Mathias Glèlè se remet peu à peu du cauchemar qu’il a vécu à Ouagadougou, le 04 Août 2020. Aujourd’hui, il a le courage de livrer ce qu’il a vécu au public.
« Le 22 Juillet 2020, j’étais à Ouagadougou dans le cadre de mes affaires et logé à l’hôtel Bimo, à l’entrée de la ville venant du Bénin. Je m’y trouvais le 04 Août 2020 aux environs de 19 heures, lorsque des coups de feu ont retenti. Je me suis précipité sous mon lit pour me protéger. Une fois les tirs ont cessé, je suis sorti pour savoir ce qui c’était passé. Les gens de l’hôtel m’ont répondu que c’était les djihadistes qui étaient venus enlever quatre personnes, des français et des africains.
Au vu de la situation sécuritaire dégradante, j’ai pris la décision de rentrer au pays. Je suis donc allé à la gare de bus (qui n’est pas très loin de l’hôtel) pour prendre un ticket pour Cotonou. Notre bus a démarré vers 04 heures du matin. En cours de route et bien avant Fada, nous avons rencontré des hommes lourdement armés (talkies walkies en main) qui ne nous ont pas créé de problème. Nous avons continué notre route. En passant dans la zone forestière, nous avons rencontré encore un autre groupe d’hommes armés avec de nombreux fusils d’assaut posés sur trépieds, des appareils de vision nocturne et autres ordinateurs. Ordre a été donné à notre chauffeur d’éteindre le moteur. Une personne est rentrée dans le bus et nous a demandé de donner nos passeports et nos portables. Une fois les documents récupérés, nous avons été sortis du bus. Nous avons remarqué qu’il y avait au moins dix autres bus avant le nôtre. Nous avons été conduits dans la forêt où se trouvait déjà près de 500 personnes à terre. Ordre nous été donné de nous coucher aussi. A la vue de leur tenue enturbannée, nous avons compris que nos interlocuteurs étaient des djihadistes. A un moment donné, nous avons entendu des tirs dans la forêt, sans toutefois savoir ce à quoi cela est dû. J’ai prié tous les dieux et les mânes de nos ancêtres. Un hélicoptère a survolé la zone et a largué des vivres et de nombreuses munitions.
Une personne est venue me soulever et m’a amené un peu à l’écart où se trouvaient d’autres armes posées sur trépieds. Il m’a remis une gélule que j’hésitais à prendre. Mais, une fois son arme pointée, j’ai dû avaler ladite gélule. Après l’avoir avalé, j’ai senti une forte chaleur dans mon corps et ai perdu mon self contrôle. Il m’a mis une ceinture sur la hanche et les pieds et m’a poussé vers une arme. Il m’a demandé de regarder dans le viseur et d’appuyer sur la gâchette. Ceci fait, je me suis retrouvé à terre avec l’arme et la bande de balles. Je n’avais jamais tiré dans ma vie.
J’ai été ramené à un autre lieu où il y avait beaucoup de djihadistes. Après avoir discuté entre eux, ils ont demandé mon nom que je leur ai donné. L’un d’eux est allé chercher mon passeport. Ils m’ont demandé si j’étais béninois. J’ai répondu par l’affirmatif. Je suis resté debout pendant 20 minutes environ. Après, ils m’ont donné mon passeport et mon portable et m’ont demandé de partir avec ce message à laisser au premier poste de gendarmerie : ‘Que eux djihadistes ont coupé la voie aujourd’hui, personne ne passe. Que si les gendarmes sont garçons, ils n’ont qu’à venir les affronter’. Je suis parti à pied de là sans rencontrer aucun véhicule.
Arrivé dans un village, quelqu’un m’a aidé avec une moto à aller dans une ville d’où j’ai pris un taxi pour aller à Fada. Dans cette ville, je me suis rendu à la gendarmerie où j’ai narré ce que j’ai vécu, y compris le message laissé par les djihadistes. Pour toute réponse, les gendarmes m’ont dit de laisser ces fous et de continuer mon chemin. Ils n’ont même pas pris soin de m’écouter sur PV.
J’ai été traumatisé par ce que j’ai vécu et le fait de trouver la force d’en parler maintenant me permet de me libérer ».
Propos recueillis par notre Correspondant au Bénin, Denis HODONOU
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